Les Forges contre la futaie

En définitive, l'impact de Nicolas Rambourg sur la forêt peut s'appréhender à deux niveaux, celui de la filière et celui de la ressource.

Par le système de la concession de longue durée, Rambourg a acquis un poids local considérable. En effet, il jouissait de la totalité des produits de la forêt sur une importante portion de celle-ci. En gestionnaire avisé, il se livrait à une activité de marchand de bois, négociant le bois d'œuvre issu de ses coupes, dont il n'avait pas l'usage, avec sans doute un joli bénéfice, car acquis quasiment pour la valeur du taillis. Par comparaison une coupe de 127 arpents, située à l'est de la forêt, avait été adjugée en 1795 à 4800 livres par arpent, ce qui est sans commune mesure avec les 125 livres/arpent négociées pour la concession quelques années plus tôt. Ce niveau de prix semble exceptionnel, car on recense également des coupes vendues à 80 livres l'arpent.
Une autre référence est fournie par la vente des coupes ordinaires de l'an VIII. La coupe porte à Tronçais sur 63,75 ha dans la partie est de la forêt. Elle est adjugée à Etienne Josset pour 200 francs de l'hectare, soit 100 livres l'arpent et donc moins que le prix de la concession (7). Ces importants écarts de prix découlent du fait qu'il s'agissait de ventes par contenance, sans aucune indication de volume ou de nombre de tiges à exploiter.
Ces dernières grandeurs variant d'ailleurs considérablement avec l'âge des bois, la localisation de la coupe, la proportion de vides. Les coupes étaient alors marquées en réserve : seules étaient désignées de l'empreinte du marteau forestier les tiges destinées à être conservées, pieds corniers, de lisière, de parois et baliveaux. Les enchères se faisaient selon un système complexe : une première enchère définissait un prix unitaire à l'hectare, établissant de facto une estimation de la coupe, servant de base minimale à une deuxième enchère portant alors sur le prix total de la coupe. Le cahier des charges de cette adjudication - dont on peut penser qu'il s'appliquait également aux coupes de la concession Rambourg - apporte quelques précisions intéressantes :
  • il fait explicitement référence à l'ordonnance de 1669, pourtant abrogée, preuve de la confusion qui régnait en matière forestière à cette époque,
  • le délai d'exploitation est fixé à 3 ans pour Tronçais, contre 2 à Dreuille et 1 à Civrais, ce qui est important
  • il comporte l'interdiction de construire des loges pour les fendeurs ou sabotiers. Seules deux sont tolérées, pour l'adjudicataire et son commis.
  • Interdiction d'introduire des chèvres, brebis, porcs..
  • Obligation d'abattage régulier, sans faire aucun recours au jardinage...
C es questions financières, avec l'arrière pensée que Rambourg sous-payait ses coupes, renforçaient l'aigreur des forestiers, déjà dépités de voir réduits en taillis sous futaies les prometteuses futaies nées de l'aménagement de 1670. " On n'eut pas dû faire d'un maître de forges un marchand de bois " écrit Bourderye, sous inspecteur des forêts en l'an IX (8).
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