Le paysage antique de la forêt de Tronçais |
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Extrait d'un article paru dans le Bulletin N° 49 de la SAFT de 2004 |
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Bilan des travaux d’E. Bertrand et des recherches récentes |
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A la mémoire d’Elie Bertrand, disparu le 29 août 2003, dont les recherches ont révélé la plupart des vestiges gallo-romains de la forêt de Tronçais |
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La moitié occidentale du département de l’Allier, dans l’ancienne province bourbonnaise, fait partie intégrante de l’antique cité des Bituriges Cubes (fig. n° 1). Les recherches entamées en 2000 sur le secteur de la forêt de Tronçais s’inscrivent dans le cadre du Projet collectif de recherche sur l’occupation du sol dans le territoire biturige, co-dirigé par O. Buchsenschutz (CNRS, UMR 8645) et Françoise Dumasy (Université de Paris I). Or, parce-qu’elle ne fait pas partie de la même région administrative que le Berry, la région bourbonnaise a rarement été intégrée aux réflexions sur l’espace biturige. Il était donc indispensable de corriger en quelque sorte cette injustice, en s’interrogeant tout particulièrement sur les modalités de l’occupation du sol antique dans cette zone et en les confrontant aux données concernant le reste de la cité, de manière à dégager d’éventuelles spécificités locales. |
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Le secteur de la forêt de Tronçais a été retenu pour faire l’objet d’une étude particulière, car il offre un excellent échantillonnage de sites gallo-romains, révélés notamment par les prospections d’E. Bertrand depuis les années 1960. La gentillesse de l’accueil de ce dernier et son enthousiasme à l’idée de transmettre ses données à d’autres chercheurs, ont alors largement contribué à la bonne marche de notre projet. Les diverses opérations effectuées en 2000 et 2001 avaient pour ambition de dresser un bilan sur les vestiges déjà connus et de poursuivre l’enquête avec de nouvelles méthodes d’investigation, afin de mieux cerner les différents aspects du paysage à l’époque romaine et de préciser l’évolution chronologique de l’occupation du sol |
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fig.n° 1: localisation de la forêt de Tronçais dans le territoire des Bituriges Cubes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
L'Exploitation des recherches antérieures : l'héritage d'ELIE BERTRAND |
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Dans ses multiples publications, E. Bertrand a soigneusement décrit l’ensemble de ses découvertes, réalisées au fil de 30 années de recherches, entre les années 1960 et 1990. Nous évoquerons simplement ici les données archéologiques concernant la forêt de Tronçais à l’époque romaine, qui représentent seulement une partie de ses travaux, visant à une reconstitution historique globale de cette zone, de l’Antiquité à nos jours. Le dossier documentaire patiemment constitué par E. Bertrand représente « l’héritage » qu’il a légué à tous les chercheurs présents et futurs. Il comporte tout d’abord un inventaire des sites avec répertoires et cartes, mais également une collection d’objets recueillis lors des prospections en surface et enfin des textes rassemblant ses réflexions sur différents aspects de l’occupation du sol antique. |
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L'inventaire des sites | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La première démarche d’Elie Bertrand a été de retrouver la trace des anciens chemins, disparue sous le réseau des lignes forestières actuelles. Après quelques expériences de prospection systématique des parcelles, le chercheur a en effet constaté que les vestiges gallo-romains, sans être à leur contact direct, se trouvaient assez régulièrement à proximité de ces vieux chemins. Ceux-ci sont donc rapidement devenus le fil conducteur de ses investigations à travers la forêt. C’est ainsi que, progressivement, l’ancien réseau de circulation s’est dessiné, en même temps que s’étoffait la carte des bâtiments gallo-romains.
E. Bertrand avait également cartographié de nombreuses excavations, parmi lesquelles on peut distinguer les anciennes mares et les carrières. Pour ces dernières, nous disposons rarement d’éléments de datation, car elles peuvent relever de l’époque romaine, médiévale ou d’une phase récente d’exploitation des ressources de la forêt. C’est pourquoi ce type d’excavation ne sera pas pris en compte dans le cadre de ce bilan sur l’Antiquité. Il en va de même pour les anciens étangs, également reportés sur les cartes par E. Bertrand, dont la chronologie reste à établir. En revanche, les dépressions circulaires peu profondes repérées à proximité immédiate des constructions antiques, interprétées sans doute à juste titre comme des mares par E. Bertrand, seront abordées, au même titre que les autres vestiges gallo-romains. |
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Les écrits sur l'occupation du sol antique | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Malgré la masse considérable des informations récoltées par E. Bertrand , celui-ci a maintes fois souligné le caractère non exhaustif de ces données et manifesté le souci d’y apporter des compléments et corrections. Il souhaitait en effet livrer aux chercheurs futurs le dossier le plus complet possible, dans la perspective d’une poursuite des recherches sur le Pays de Tronçais. Qu’hommage lui soit donc rendu aujourd’hui pour la qualité et la précision de son travail, véritable mine d’informations, dont toutes les filons sont encore loin d’avoir été explorés. De nombreux textes accompagnent ses cartes et répertoires, qui abordent différents aspects de l’occupation du sol, notamment à l’époque romaine. Il montrait d’ailleurs, vis à vis de ses différentes réflexions, la même prudence que celle manifestée à propos de la carte archéologique : |
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« Nous nous gardons de toute conclusion définitive. Nous exprimons simplement les quelques impressions ressenties à l’occasion de la découverte des sites, lors de longues marches en forêt qui nous ont permis de les découvrir. » (1996 - p.24) |
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Pourtant, les analyses d’E. Bertrand rejoignent celles des archéologues professionnels en bien des points et nous verrons par la suite que bon nombre de ses hypothèses ont été confirmées par les nouvelles méthodes d’investigation mises en oeuvre. En premier lieu, E. Bertrand eut le souci de saisir la logique d’implantation des bâtiments dans le paysage, en étudiant leur position topographique, la nature des terrains occupés et les relations avec les voies et les cours d’eau. Il avait cerné en particulier l’importance du réseau hydrographique dans l’occupation humaine et l’exploitation des ressources locales à l’époque romaine. Ses travaux ont également porté sur les distances moyennes entre les sites ou les différentes densités d’habitat, d’un secteur à l’autre de la forêt.
En outre, E. Bertrand s’est intéressé à l’organisation hiérarchique des constructions. Il avait ainsi souligné le caractère dispersé de l’habitat, dans l’ensemble du secteur, à l’exception de deux hypothétiques hameaux ruraux, dans les parcelles 201 et 439-442. Il avait également noté l’existence de constructions d’importances diverses et proposé quelques hypothèses de complexes ruraux dotés d’un site principal autour duquel graviteraient des constructions secondaires, liées aux différentes activités du domaine. L’économie rurale du secteur était d’ailleurs au cœur de ses préoccupations, comme le montrent ses considérations sur les ateliers métallurgiques, sur les ateliers de tuiliers et de potier, sur les carrières de pierre et d’argile ou encore sur l’agriculture et l’élevage. Malgré l’abondance des constructions gallo-romaines retrouvées sur place, E. Bertrand envisageait, non sans raison, le paysage antique du pays de Tronçais comme une vaste zone forestière, ponctuée d’ouvertures laissant la place aux installations humaines et au déploiement des activités agricoles et artisanales
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« Il ne faut pas concevoir, appréhender ce vaste massif forestier, entre Cher et Allier, avec nos yeux du XXème s. La forêt ne devait pas être un paysage fermé, compact, barrant l’horizon, que nous observons aujourd’hui. La forêt était mieux intégrée aux zones d’habitat du territoire rural. Elle n’était pas un seul et grand massif, mais la juxtaposition d’une mosaïque de petites forêts et clairières » Piboule, Bertrand 1995, p. 364. |
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Les nouvelles opérations menées depuis 2000 |
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Les opérations de prospection et de fouille réalisées en 2000 et 2001 (fig. n°2) ont été menées bénévolement, avec l’autorisation du Service régional de l’archéologie de Clermont-Ferrand, mais aussi de l’Office National de Forêts (Service départemental de Moulins-Yzeure), gestionnaire des lieux. Quant aux frais de fonctionnement (hébergement, nourriture, déplacements, matériel), ils ont été couverts en 2000 par le CNRS (mission archéologique, dans le cadre du « PCR Berry ») et en 2001 par l’INRA et le Ministère de la culture (programme de prospection thématique et sondages). |
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fig.n° 2 : Opérations menées en 2000-2001 en forêt de Tronçais | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||