Les Forges contre la futaie

Cette concession a été très mal acceptée des milieux ruraux, par crainte des paysans de manquer de bois de chauffage, et pour cause de " dépossession " de la jouissance des vides, rares espaces où le parcours des bestiaux était autorisé. Elle épousait par contre les intérêts de l'Etat, lui assurant une rente forestière fixe, en augurant bien par ailleurs du développement économique de cette portion du Bourbonnais, argument que le maître de forges a fait valoir dans sa pétition. Pour ce qui est des volumes, la coupe annuelle pouvait produire 15 à 20 000 stères sur les bases indiquées ci-dessus. Ceci dans l'hypothèse ou tout était converti en bois de chauffage. Or la coupe d'une chênaie de 100 ans commence à fournir du bois d'œuvre, sans compter les quelques réserves des exploitations précédentes : bois de construction ou merrain pour le chêne, chaiserie, saboterie pour les hêtres alors plus nombreux qu'aujourd'hui. A contrario la réserve préconisée de 50 arbres par hectare pouvait immobiliser un cinquantaine de mètres cubes. Les baliveaux n'étaient pas nécessairement de l'âge du taillis, bien au contraire puisque leur fonction essentielle était de réensemencer le terrain, ils devaient être en âge de produire des glands. G. Vilpreux (3) cite le chiffre de 60 000 cordes par an, soit 150 à 230 000 stères selon le coefficient de conversion utilisé, ce qui paraît excessif. En effet sur la base d'une exploitation à 40 ans sur toute la surface de la forêt, la surface annuelle parcourue serait de 250 ha et le rendement de la coupe de 600 à 900 stères/ha, ce qui est considérable. Ceci doit fortement inciter à manipuler ces données de surfaces et de volumes avec précautions, compte tenu des nombreuses incertitudes : surfaces de référence, prise en compte des vides, complexité des unités de mesures anciennes
Si l'on analyse les termes de cette autorisation, on ne sait à quoi correspondent les 5112 arpents de bois concédés (2611 ha). Il est dit qu'il s'agit de trois triages, or la surface cumulée de ceux-ci s'élève à 4379 ha. Il est possible qu'une partie du triage de la Bouteille soit restée hors concession, il est plus probable qu'en l'absence d'arpentage ces surfaces soient indicatives et entachées d'erreurs. C'est d'ailleurs un grief contre le maître de forges fréquemment avancé dans de nombreuses pétitions, que cette absence d'évaluation et d'estimation des bois concédés. Dans une protestation du 16 juin 1793 (1), les administrateurs du district de Cérilly font état des propos de marchands de bois affirmant que si la coupe de 125 arpents avait été adjugée à la chaleur des enchères, ils l'auraient eux-mêmes portée à plus de 600 livres l'arpent (au lieu de 125).
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