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Cher et grand ami,
Que vous dirais-je? Ma grand-mère était mendiante, mon père, qui était un enfant plein d’orgueil, a mendié lorsqu’il était trop jeune pour gagner son pain. J’appartiens à une génération qui n’est pas encore passé par les livres.
(...) il faut que je vous rappelle qu’il est en moi des vérités plus impérieuses que celles que vous appelez “les vérités françaises”. Vous séparez les nationalités, c’est ainsi que vous différenciez le monde, moi je sépare les classes.
Vous êtes plein de connaissances, votre style donne l’impression que vous dites exactement ce que vous avez voulu dire. Ceci n’est pas une banalité. Je me reporte à mon cas. Nous avons été murés comme de pauvres et, parfois, lorsque la Vie entrait chez nous elle portait un bâton. Nous n’avons eu comme ressource que de nous aimer les uns les autres. C’est pourquoi j’écris toujours plus tendre que ma tête ne le commande.
(...) je crois être en France le premier d’une race de pauvres qui soit allé dans les lettres. D’obscurs problèmes qui, pour vous autres n’existent même pas m’entourent et s’imposent. (...) Je vous envoie un petit livre qui s’appelle “La Mère et l’Enfant”. C’est à cause de votre fils Philippe. Je serais très heureux que vous le lisiez, puis que vous le mettiez dans la petite bibliothèque où sont les livres qu’il lira lorsqu’il sera grand. Cela lui rappellera qu’il y a d’autres petits enfants et que ceux-là mêmes son père a su les toucher. Bulletin des Amis de Ch.-L. Philippe, No. 17, 1959, pp. 310-11 |
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